Ponts jetés entre deux représentations symboliques.
Cette illustration tirée du Philosophia reforma de Johann Daniel Mylius (XVIIe) n’est pas sans rappeler celle du LE DIABLE du Tarot de Marseille restauré de Camoin/Jodorowsky. Dans les deux représentations, un personnage, central, se tient sur une sphère. Dans le premier cas, la boule représente le chaos couvé par un dragon symbole de la prima materia, la matière première, substance impure, grossière et indifférenciée que le grand œuvre alchimique se propose de travailler. LE DIABLE se tient lui sur une sphère couleur or à laquelle sont attachés deux êtres, mi-animal / mi-humain. On remarque que ces deux personnages ont les pieds 'dans le noir’. Or le noir est une représentation de l’inconscient comme l'est la prima materia. Si l’on poursuit le rapprochement, on pourrait voir les deux diablotins comme étant cette matière indifférenciée évoquée plus haut, c’est-à-dire comme une substance non encore éclairée par la conscience. Ils sont immergés dans l’inconscient et c’est en cela qu’ils sont subordonnés à la parole du diable. L'autre pont que je souhaite jeter ici concerne la tête ou plutôt les têtes de chacun des personnages centraux. L’illustration de Mylius représente le rebis ou chose double, l'hermaphrodite opérant l’alliance entre le soleil et la lune, autrement dit entre le masculin et le féminin. Dans l’arcane XV du Tarot de Marseille le personnage arbore lui aussi deux visages sauf qu’ici l’un d'eux se situe au niveau du ventre. Serait-ce celui de la lune qui aurait migré vers ses entrailles ? Le DIABLE est lui aussi hermaphrodite. Mais ici le masculin et le féminin, de par la représentation explicite de leurs attributs en cette unité de lieu qu’est le corps du personnage, en amplifie leurs particularités et par là même leurs différences. Comme si LE DIABLE était ce lieu de tension extrême entre les polarités de l’être, où la promiscuité empêche tout recul, toute différenciation (dynamique incarnée par les esclaves) tout en libérant une puissance inédite à celui qui saurait les conjuger (dynamique incarnée par la figure du diable).
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