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Mystère et mensonge

Photo du rédacteur: Philippe KoeunePhilippe Koeune

Ce texte a été présenté le 01.03.2025 sur Radio Campus dans l'émission Babelutte de David Le Simple. Retrouver l'intégralité de l'émission ici.


Je vous propose aujourd’hui d’aborder la notion de mystère et de mensonge à travers le prisme du Tarot. 


Le mystère vu à travers le prisme du Tarot de Marseille, cela donne quoi ?

On pourrait dire que le Tarot, dans sa totalité, est un mystère. Son origine reste controversée, sa fonction aussi. 

Mais au-delà de son histoire, ce qui en fait un objet « de mystère » c'est sa structure et les images qui le compose. Le Tarot est un objet symbolique. Chaque carte porte une constellation de symboles. Or de par sa nature, le symbole est un mystère. Un symbole peut-être appréhender, , sa forme est perçue par nos sens, la raison peut se l’approprier. Dans un symbole, pourtant, il y a toujours quelque chose qui nous échappe. Il déborde notre conscience, nous ne parvenons jamais à éluder son sens, il est toujours plus, il se tient toujours au-delà de là où nous nous trouvons. Le propre du symbole est de connecter le conscient et l’inconscient. Le conscient nous est conscient, l’inconscient vous l’aurez deviné, nous échappe…


Chaque carte étant constitué de symboles on comprend qu’elles sont toutes porteuses de mystère.   

Certaines d’entre elles pourtant abordent cette notion plus directement. Je vais ici me concentrer sur les arcanes majeurs qui représentent 22 des 78 cartes du Tarot de Marseille. 


A mes yeux 2 cartes nous parle de « mystère » :

Il y a d’abord LA PAPESSE qui porte le nombre II.


La Papesse du tarot de Marseille

LA PAPESSE est une femme assise, tournée vers la gauche, très habillée – de son corps ne nous voyons que ses mains et son visage. Elle tient un livre couleur chair ouvert sur ses genoux. Elle porte une tiare de part et d’autre de laquelle se dresse une sorte de tissu. 


LA PAPESSE est lourdement vêtue, son corps est dissimulé. Il y a aussi ce tissu autour de sa tête qui n’est autre qu’un voile. Le voile sépare le regard profane du mystère. Il faut perser le voile pour accéder à la révélation. On pense au voile de la maya des religions indiennes, voile qui représente l’illusion de la manifestation et derrière lequel se trouve l’absolu. 


En tant que représentation de la féminité on est aussi amené à se demander dans quelle mesure féminité et mystère ne vont pas de pair. La PAPESSE est une matrice, son corps est un lieu de gestation, en lui le monde est accueilli, en lui le monde se construit. 


Il aura fallu le corps d’une femme à tout être humain pour être humain. LA PAPESSE est un temple. Sa chair est le lieu de l'union de l’humain et du divin, la chair est une instance éternelle qui dépasse la temporalité du corps qui lui est marqué par le temps. Comme le dit Jean Assens dans son livre "l’innocence du sujet » : l’acte de naissance plonge le sujet intemporel par essence dans le temps qui passe. Et cette plongée brouille les pistes, de cette plongée naît le voile.


Ainsi LA PAPESSE incarne le mystère. Elle en est la porteuse, elle en est la gardienne.  


Le Pendu du tarot de Marseille

Que nous dit LE PENDU du mystère ?


LE PENDU est ce personnage renversé, lié par le pieds à une traverse qui repose sur deux arbres élagués qui forment une sorte de portique au centre duquel le personnage pend. Il nous regarde dans les yeux, ses mains sont dissimulées dans son dos.



Une des racines du mot mystère est muéô qui signifier initier. Nous y voilà, LE PENDU est un initié. La voie qu’il a choisi est celle du renversement. Le mouvement qu’il a initié n’est pas visible de l’extérieur – LE PENDU peut-être une carte d’arrêt, de blocage. Son mouvement est une plongée dans les mondes intérieurs. En vous décrivant la carte je vous ai parlé d’un portique formé par une traverse et deux arbres : le PENDU se trouve devant une porte. Il se tient sur le pas de cette porte qui va l’amener dans un autre monde, un monde dont le vestibule est noir comme le charbon, noir de peurs viscérales, noir de ressources aussi. 


Avec LE PENDU le Tarot nous dit ceci : pour percer le voile, il faut plonger en soi. Nous sommes le mystère, ni plus, ni moins. 

Passons au mensonge :

Pour parler du mensonge dans le tarot de Marseille je vais partir de l’évangile :

Satan est le père du mensonge, dit l’évangile ; le mal ne veut jamais porter son nom et s'offense mortellement de l'entendre prononcer.




Le Diable du Tarot de Marseille

La carte qui pourrait incarner le mensonge, sans surprise, se nomme LE DIABLE, arcane numéro XV du Tarot de Marseille.



On y voit un personnage hybride, mi-humain mi-animal, hermaphrodite, se tenant debout sur une sorte de globe auquel sont attachés 2 petits êtres nus, encordés au cou. Les mains sont dissimulées dans le dos.

Le personnage du diable nous regarde en louchant, d’une main il semble nous saluer, de l’autre, il tient une sorte d’épée ou de torche selon les jeux. 

Le diable est le menteur, celui qui manipule. Il est a-moral, il est dans l’expression pure de ses désirs, il assouvi ses besoins sans culpabilité. Je vous parle là d’une figure archétyque.


Je reviens à la phrase de l’évangile. On pourrait s'étonner que le mal ne veule jamais porter son nom. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ou plutôt qu’est-ce que cela implique ? Ne l’oublions pas, le Tarot parle de nous, humains. Le diable c’est l’adversaire, le diable c’est l’ombre. L’ombre est un concept Jungien (C. G. Jung est un psychanaliste du XIXe, fondateur de la psychologie des profondeurs, un disciple de Freud qui s’est distancié de son maître pour élaborer une vision élargie de la psyché humaine). 

Qu’est-ce que l’ombre ? L’ombre représente ces parts de nous que nous déprécions, ces facettes que nous ne voulons ni voir ni assumer. 


Aussi lorsqu’il est dit que "le mal ne veut jamais porter son nom", on peut entendre que nous ne voulons jamais porter le nom de ces parts de nous que nous répudions. 

C’est l’autre qui est égoïste, pas moi, c’est l’autre qui est lâche, pas moi, c’est l’autre qui est vénal, toujours… En ce sens le diable nous renvoie à un mensonge que nous adressons à nous même. En réalité, en vérité, le manipulateur et le manipulé sont une et même personne. Cet autre que je juge n’est autre que moi-même. Ce vilain trait qu’en l’autre je décèlle, c’est cette part de moi que je ne vois pas et que je projète pour m’en défaire. 

En ce sens le mensonge se présente comme une esquive. Le diable met en lumière notre monstruosité. Il nous invite à la découvrir, à l’accepter, à l’exposer. Oser se présenter aux autres comme le fait le diable dans le Tarot de Marseille c’est se donner la possibilité de retrouver le pouvoir dont le mensonge nous privait. 


LA PAPESSE et LE PENDU sont des passages. Ils sont en ce sens aussi porteur de mystère. Un passage implique un changement de lieu, un changement d’état. Si l’on sait où l’on se trouve on ne sait jamais où l’on se rend. 


Avec LE DIABLE nous nous trouvons au cœur de l’être, dans l’inconscient, ce lieu dans lequel a plongé LE PENDU. Percer le mystère passe incontournablement par ce gardien du seuil qu’est LE DIABLE. L’éviter, comme nous l’avons vu, serait sombrer dans le mensonge. On constate d’ailleurs que 2 temps plus loin, en XVII, apparaît la figure de LETOILE qui est un symbole de vérité. 

Et pour conclure, si je devais lier mystère et mensonge en une pensée je dirais que l’être qui chemine s'engage à moins de mystère pour moins de mensonge. 



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© Philippe Koeune 2025

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